L’avènement de la pandémie causée par le virus Covid-19 constitue un sérieux problème pour l’humanité. Cependant, plusieurs pathologies mortelles sont considérées comme moins dangereuses. C’est le cas des maladies non transmissibles, encore appelé »les tueurs silencieux’’ notamment le diabète, l’hypertension artérielle et le cancer. Dans notre rubrique santé-nutrition de cette semaine, nous nous sommes intéressés au diabète infantile. Comment vivent ces enfants diabétiques en cette période sensible du coronavirus ? Dr Damien Ekoue-Kouvahey, médecin généraliste et concepteur de plusieurs programmes sur les MNT, nous répond dans cet entretien exclusif. Lisez…
Gakogoe.com : Bonjour Dr Kouvahey. Vous êtes médecin généraliste qui a un véritable penchant pour les maladies non transmissibles (MNT), cas du diabète. Aujourd’hui vous vous préoccupez par le taux trop élevé des enfants diabétiques. Comment l’expliquez-vous ?
Dr Kouvahey : Le diabète comme vous le savez est défini par une augmentation de la glycémie. Les enfants diabétiques sont aujourd’hui assez nombreux. Le diabète est caractérisée par une hyperglycémie chronique. Ces enfants sont insulino-dépendante c’est à dire qu’ils sont mis sur un traitement à base d’insuline et un régime alimentaire qui leur permet de faire face à la maladie du diabète. Le diabète infantile va entraîner beaucoup de complication au niveau des yeux, au niveau du cœur, au niveau rénal, et niveau du pied…
Gakogoe.com : Quel impact la pandémie à coronavirus a sur le traitement de ces maladies ?
Le problème que nous avons aujourd’hui est de plusieurs ordres. On sait que la pandémie à la Covid-19 est une maladie qui fait plus de complication et de ravages au niveau des maladies chroniques c’est à dire le diabète. Et donc, depuis cette pandémie, tous ceux qui sont diabétiques, hypertendus, obèses ou des problèmes respiratoires, on leur a toujours dit: ‘’faites très attention! parce que si vous attrapez le coronavirus, vous avez beaucoup de risques d’en mourir plus que les autres ». Donc les enfants diabétiques, à cause de cela sont casés à la maison. Il ont peur de sortir pour honorer leur rendez-vous de consultation et nous nous sommes rendu compte ces derniers temps que cela a aggravé leur maladie.
Autre aggravation de la maladie, c’est parce que les parents pour la plupart n’ont pas de sous pour acheter l’insuline. Et donc, au lieu de leur faire les injections d’insuline une ou deux fois par jour, ils le font tous les deux ou trois jours afin d’économiser sur l’insuline. D’autres n’ont même pas pu le faire, ce qui fait qu’ils ont eu beaucoup de complications en cette période de coronavirus.
Le problème de l’alimentation également se pose. Pour bien manger, il faut avoir de l’argent. Il ne faut pas manger n’importe quoi : il faut des crudités, il faut une alimentation surveillée. J’ai un enfant diabétique dont le parent est menuisier qui me dit que depuis que coronavirus est arrivé, personne n’est venue demander du travail en menuiserie. Du coup, il n’arrive pas à prendre soin de son enfant qui est diabétique et donc tout est bafoué.
Gakogoe.com : Comment s’en sortent-ils ?
Dr Kouvahey : Les enfants diabétiques en cette période de coronavirus traversent un véritable chemin de croix, une véritable charge. La semaine passée, il y a deux enfants que nous suivons depuis qui ont été amputés au CHU parce qu’ils n’ont pas respecté leur traitement depuis quelques mois. D’autres ont de problèmes de vues, d’autres deviennent aveugles.
Nous pensons que c’est une sérieuse urgence par rapport au Covid-19 que ces enfants soient mieux soutenus. Ils ont besoin d’appareil de glucomètre pour pouvoir doser leur glycémie. Ils ont besoin pour la plupart de l’insuline pour pouvoir faire face à la maladie. Ils ont besoin de sous pour pouvoir équilibrer leur alimentation. Voilà la situation actuelle des enfants diabétiques que nous gérons un peu, avec tous les autres qui prennent en charge ces enfants.
Gakogoe.com : Avez-vous les moyens de votre politique ?
Dr Kouvahey : Absolument pas. Nous avions entre temps, une ONG allemande Togo-Verein qui avait soutenu les enfants pendant quelques mois au début de l’année. Mais actuellement, dû à la pandémie du coronavirus, ils nous ont dit que tout est en stand by chez eux et d’attendre plutôt la fin de la maladie pour voir ce qu’ils pourront encore faire pour ces enfants diabétiques. Alors que justement c’est la période de la douleur. Nous sommes entrain de négocier avec plusieurs bonnes volontés pour voir qui peut nous aider à soutenir un peu le poids de ces enfants pour alléger leur fardeau.
Aujourd’hui, nous n’avons personne pour les aider. Souvent c’est personnellement que nous organisons au niveau de notre ONG VISA des soirées, des activités de fêtes avec un objectif de collecte de fonds et ces fonds étaient reversés pour aider les enfants diabétiques. Aujourd’hui avec la pandémie, impossible de faire des spectacles, impossible de faire des soirées. Nous sommes dans une dynamique qui ne nous permet pas de prendre en charge ces enfants diabétiques et qui nous oblige à tendre la main à d’autres bonnes volontés pour venir aider ces enfants.
Gakogoe.com : Combien d’enfants diabétiques avez-vous en charge à ce jour?
Dr Kouvahey : Directement nous avons une vingtaine d’enfants, ajoutés à la soixantaine de l’ATD du Dr Tossou avec laquelle nous travaillons et la dizaine d’enfants qui sont suivis par Madame Anifrani. C’est un collectif à trois. Nous avons pratiquement un peu moins d’une centaine d’enfants diabétiques dans ce regroupement à trois.
Gakogoe.com : Que proposez vous aujourd’hui aux gouvernants, face à cette situation difficile ?
Dr Kouvahey : Nous lançons juste un cri d’alarme. Nous demandons au gouvernement de se pencher sur la situation des enfants diabétiques. S’il y’a une possibilité de les soutenir financièrement, une possibilité de leur acheter de l’insuline, une possibilité de leur venir en aide à leur niveau par des appareils de glycémie et de réorganiser mieux le secteur de la prise en charge du diabète infantile. C’est des enfants qui sont nés tout victime du diabète. Si un soutien pourrait naître d’une manière ou d’une autre à n’importe quel niveau pour soutenir ces enfants diabétiques qui sont aussi pour demain une force de la nature et une force pour notre pays, c’est de bonne guerre.
Pour conclure, je rappelle que beaucoup d’enfants diabétiques n’arrivent plus à aller vraiment à l’école. Parce que le diabète les empêche de bien évoluer. Comme un jeune qui m’a écrit ce matin de Kpalimé qu’il doit passer le BAC cette année mais qu’il a des difficultés. Donc si le gouvernement pourrait tendre la main à ces enfants en nous demandant une rencontre avec ces enfants diabétiques pour poser le problème et essayer de les aider.