Les contestations vont bon train après les résultats provisoires du scrutin présidentiel du 22 février 2020. Avec ce que nous pouvons qualifier de crise post-électorale, les acteurs politiques togolais livrent leur appréciation. C’est le cas de Kohan Kidékiyime BINAFAME, Secrétaire national, chargé de l’administration des Forces Démocratiques pour la République (FDR). Il s’est prononcé dans une interview exclusive accordée à gakogoe.com.
Gakogoe: Bonjour Monsieur Kohan BINAFAME, quelle appréciation faites-vous du scrutin présidentiel du 22 février 2020.
BINAFAME : Il y a eu tout sauf une élection le 22 février, c’était une parodie d’élection et c’était prévisible. Tout ce que l’opposition a demandé pour un minimum de transparence et d’équité a été refusé par le pouvoir. Telles que la recomposition de la CENI et ses démembrements, c’est donc une CENI inféodée au pouvoir, dominée à plus de 90% par le pouvoir.
Il a été demandé que les résultats soient proclamés bureau de vote par bureau de vote mais le pouvoir estime que ce n’est pas prévu par le code électoral. Ce n’est pas parce que ce n’est pas prévu qu’on ne pouvait pas le faire pour garantir la transparence des élections.
En plus, le gouvernement n’a pas octroyé le financement prévu pour la campagne électorale.
C’était donc prévisible que ça soit une parodie d’élection et ça s’est confirmé le jour du scrutin.
Gakogoe: Que dire du déroulement du scrutin sur l’ensemble du territoire national ?
BINAFAME: C’est seulement à Lomé et dans quelques villes de la région maritime qu’il y a eu un semblant d’élection parce que le pouvoir savait que les projecteurs du monde entier sont branchés sur la capitale, donc il y a eu un minimum de transparence à Lomé. Je dis un minimum, puisque à plusieurs endroits à Lomé, les gens ont tenté de bourrer les urnes.
A l’intérieur, quand vous voyez le score à la soviétique obtenu par le candidat au pouvoir, vous comprenez qu’il n’y a pas eu d’élection. Surtout dans le nord où les représentants de l’opposition ont été chassés des bureaux de vote. On a, à visage découvert, distribué de l’argent aux représentants. Ceux qui ont tenté de résister ont été chassés des bureaux de vote. Ceux qui ont accepté ont signé de faux procès-verbaux. Bref, on n’a pas besoin d’être super intelligent pour déduire avec ce qui s’est passé dans le nord que ça a été une farce électorale. Pour ma part, il n’y a pas eu d’élection, il y’a eu un braquage électoral organisé par le pouvoir.
Gakogoe: l’opposition est-elle obligée d’y aller dans ces conditions ?
BINAFAME : Malheureusement, on le sentait venir mais nous sommes allés à cette élection. Moi personnellement je n’ai pas compris pourquoi l’opposition croyait que la CENI et la cour constitutionnelle aux bottes du pouvoir peut prendre le risque de proclamer un opposant gagnant. Tout le monde sait que s’il y a transparence le régime sera battu. Il n’y avait pas un minimum de transparence mais nous y sommes allés, ce qui était attendu s’est produit. Il y a eu une véritable farce électorale. Il n’y a pas eu d’élection pour ma part. Je n’ai pas perdu mon temps pour aller voter parce que c’était plié d’avance. Le fichier électoral était tronqué. Seul le pouvoir savait le nombre d’électeur. Tout ça s’était pour favoriser le bourrage d’urne.
Gakogoe: Que pensez-vous de la sortie des États-Unis qui demandent une publication des résultats bureau de vote par bureau de vote?
BINAFAME : C’est une bonne réaction sauf qu’elle arrive un peu tard. Je ne vois pas le pouvoir entrain de l’accepter. Mais si les États-Unis font une telle demande c’est par ce qu’elles soupçonnent quelque chose : la magouille.
Les États-Unis auraient pu mieux faire au moment où l’opposition faisaient des réclamations de la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote à les aider à l’époque à obtenir un minimum de conditions de transparence. Ils agissent comme un médecin après la mort. On attend de voir si elles vont dépasser l’étape de simple déclaration pour exercer de véritables pressions sur le pouvoir afin que les choses se vérifient.
Moi je crois avec le recul qu’on aurait rien perdu en laissant Faure GNANSSIGBE aller seul à ces élections pour s’accaparer de son quatrième mandat. En réalité, l’élection n’a été qu’un théâtre des marionnettes pour légitimer le mandat de Faure GNANSSIGBE.
Gakogoe : Merci Monsieur BINAFAME
BINAFAME : Je vous en prie