Poussée par les plaisirs de la vie pour certains et, plusieurs jeunes togolais optent pour l’immigration clandestine. C’est aussi le cas de Bénédicte, la vingtaine environ, qui a risqué sa vie dans un voyage pénible sur le Gabon. Rencontrée à son retour au pays par un journaliste de gakogoe.tg, la jeune voyageuse s’est livrée, à cœur ouvert.
« J’ai la famille de ma mère à Accra au Ghana puisqu’elle est originaire de là, j’étais entre-temps partie les voir. Je suis revenue à Badou (préfecture de Wawa) au Togo où je vis avec mon oncle paternel qui travaille dans les champs de teck, laissé par mon père avant son décès. Nous sommes originaires de Kovié (préfecture du Zio) », a déclaré la jeune Bénédicte.
« En effet j’avais appris dès mon retour à Badou, par le biais d’une ancienne amie qu’il y’a une belle opportunité de travail au Gabon. Elle m’a montré ses jolies photos du Gabon et je suis tentée d’y aller aussi. Alors j’ai décidé de rentrer en contact avec cette dernière via whatsapp et je lui ai fait part de mon souhait de venir aussi à Libreville pour travailler comme elle.
Sans hésiter l’amie m’a même dit qu’on était à la recherche des gens et elle m’a rapidement donné le numéro de téléphone du chef passeur, un nigérian surnommé « Capito » (le dérivé de capitaine de bateau). Aussitôt, j’ai quitté Badou pour Lomé sans l’accord de mes parents. Arrivée à Lomé, j’ai contacté Capito qui m’a enregistré et mon amie du Gabon m’a envoyé dix milles (10000) francs CFA en guise d’appui financier.
Capito nous a invités au Bénin où nous devrions prendre un bateau pour le Gabon. Arrivé au Bénin dans un village du nom de Odé situé à la frontière du Nigéria, nous avons passé trois (3) semaines. On était six (6) par chambre. Nous n’avons eu aucune explication de pourquoi on était restés au Bénin durant ce temps. Après notre séjour au Bénin, sans succès, on nous dit de continuer sur le Nigéria par vague de quatre (4) personnes.
Ce qu’on a fait avec l’aide des passeurs, dans des conditions extrêmement difficiles. Là-bas, nous avons presque fait deux (2) mois avant notre départ sur le Gabon à l’aide d’une pirogue alors qu’on nous avait parlé de bateau.
Les sept (7) jours de tous les dangers
Notre voyage a été un périple puisque nous étions environs deux cent (200) personnes et on a fait sept (7) jours en mer.
Durant le parcours j’étais resté en petite culotte à un moment donné puisqu’il y’avait eu la pluie et nous étions tous mouillés donc on a séché nos habits et pagnes au bord de la pirogue mais par après j’ai remarqué que mes habits comme pour les autres ont été jetés à la mer.
Au départ du Nigéria on s’était approvisionné en vivres (le pain et produits dopants) pour faire le voyage mais force était de constater que nos patrons avaient jeté certaines vivres et autres dans l’eau quand on était en pleine mer. Dans la pirogue ceux qui étaient turbulents et ne voulaient pas rester tranquille sont bastonnés proprement par les collaborateurs du chef-passeur.
Arrivé à un moment les gens ne se sentaient pas bien, ils étaient pris par la peur et le fait qu’on était dans de mauvaises conditions, les gens suffoquaient, certains étaient devenus hémiplégiques, d’autres tombaient dans l’eau et s’ils n’étaient pas vite secourus, ils mourraient et nous autres, nous continuions le trajet. Au bout des sept (7) jours du voyage, trois (3) personnes sont décédées. C’était terrifiant car tout le monde voyait sa mort à chaque seconde.
Comme si cela ne suffisait pas, notre pirogue à un moment a pris de l’eau et ce sont les jeunes garçons qui se sont attelés à l’évacuer. Je n’étais pas au bout de mes peines quand nous étions enfin arrivés au Gabon. C’est dans un endroit marécageux appelé « Canaphe » au large des côtes dans une forêt que notre embarcation a échoué.

On devrait restés là-bas et nos patrons (les passeurs), devaient nous amener par vague de petits groupes vers la ville, et de nuit. Mais rapidement nous avons été repérés par la police Gabonaise. Ils ont fait une descente et sont venus pour nous arrêter. Ils ont tirés sur nous et ont emporté notre pirogue. Certains de nos camarades ont été arrêtés et emmenés.
On était encore une quarantaine à prendre la poudre d’escampette vers le fond de la forêt. Notre chef avait apparemment des pouvoirs mystiques et est devenu introuvable sur le coup. Réfugiés dans la forêt sans des vivres et nos vêtements, on se nourrissait à la sauvette avec des mangues non mûres et autres que les singes laissaient tomber. On a passé environ (7) jours dans cette forêt avec les singes et notre patron ( chef passeur) nous a finalement abandonné à notre triste sort.
Désespérés, nous nous sommes finalement rendus aux policiers puisqu’on avait plus d’autres choix que ça, au risque de laisser nos vies.
Ils nous ont conduits à Libreville où nous avons passé trois semaines avant qu’on ne nous expulse vers nos différents pays en nous faisant un laissez-passer pour prendre cette fois-ci le bateau. Il y’avait parmi nous des Béninois, des Burkinabé et des Nigérians.
Apres trois (3) jours, nous étions arrivés au Nigéria et nos camarades de ce pays qui étaient parmi nous sont descendus. L’interdiction formelle nous était faite de descendre du bateau à cause de la pandémie à coronavirus mais aussi parce que les responsables avaient peur qu’on s’enfuit donc on était maintenus dans le bateau et on a dû passer un mois avant de continuer sur notre destination qui était Lomé.
Quand nous sommes arrivés à Lomé, on était une centaine de Togolais à regagner nos familles. J’ai informé mes parents de ma mésaventure et je leur ai dit de rendre grâce que je suis en vie.
La chance aussi étant de mon coté j’ai rencontré un bon samaritain, le responsable de l’association Les Amis du Village par le biais d’une amie.
C’est lui qui m’a trouvé un job de gérante dans un Bar à Sanguéra. Je suis hébergée, nourrie et bien entretenue par le responsable du Bar, un monsieur très gentil. l’Association prend d’ores et déjà des dispositions pour assurer mon apprentissage au métier de couture. Je rend grâce à Dieu. Un seul conseil, c’est de dire aux jeunes de compter sur leur potentiel », a déclaré Bénédicte.
Comme Bénédicte, ils sont des milliers de jeunes garçons et filles à se laisser embarquer dans une aventure d’immigration clandestine vers les pays du continent avec l’intention de trouver le mieux-être afin de s’assurer et changer peut-être leurs conditions de vie. Et très souvent, c’est un véritable enfer que vivent ces candidats à la course au bonheur.
Crédit photo à la une: (lalibreville.com)