Vendredi 15 février 2019. Une déchirure s’est produite dans la communauté salésienne. Amertume et désolation, douleur et tristesse cristallisent un profond silence. L’émotion était sans frontière suite à la mort tragique du Père César Antonio Fernández. C’est au Burkina-Faso, à la frontière avec le Togo que ce prêtre salésien présenté par ceux qui le connaissent mieux comme l’homme attentif aux pauvres, a été froidement et lâchement abattu par des individus armés lors d’une attaque contre son convoi.
Samedi dernier, en l’église paroissiale Maria Auxiliadora de Gbenyedji où des offices religieux et la messe d’enterrement se sont déroulés en sa mémoire, l’atmosphère a été lourde et chargée d’émotion. Dans l’église, rien que des visages attristés. Ailleurs comme au Mali, on était en communion priante. Des délégations officielles des ambassadeurs, des nonces et des personnalités étaient venues de divers horizons pour rendre dernier hommage à celui qui partout, menait une vie désintéressée. Ancien ambassadeur de l’Union européenne au Togo, Nicolas Martinez Berlanga qui a effectué le déplacement, était manifestement bouleversé. Il n’a pas seulement perdu un compatriote, mais aussi un confesseur.
Parlant de la vie de César Antonio Fernández, le père Boris Togbé est ému. « C’est un choc. Il a œuvré très fort au sein de la province. Il vivait dans la pauvreté totale. Il préférait marcher à pied que de prendre la voiture ou la moto. Il était très attentif aux pauvres et aux jeunes», témoigne-t-il. Mais ce « choc » n’a pas ému les autorités togolaises qui ont « boycotté » les différents hommages et même les funérailles de ce Père espagnol qui faisait partie des quatre premiers missionnaires de la communauté des Salésiens de Don Bosco, arrivés en 1982 au Togo. Qu’en a-t-il fait pour que son effroyable assassinat suscite une telle indifférence de la part du gouvernement ?
Et pourtant à Lomé comme à Kara, et depuis 1982, sous son impulsion dynamique, la communauté salésienne a conquis le territoire par ses œuvres missionnaires tant sur le plan humanitaire, social que religieux. Missionnaire dynamique et infatigable, le Père César Antonio s’est sinvesti dans les projets de promotion de la formation et de l’emploi des jeunes togolais. En dehors d’un stade de football offert à sa paroisse de résidence à Gbenyedji, un autre de basketball à Akodésséwa, il a fait construire le Centre d’Apprentissage Maria Auxiliadora (CAMA) « pour assurer aux jeunes leur prise en charge dans la vie active ». Le Noviciat salésien de Gbodjomé est à son actif.
« Je n’ai pas compris l’attitudes des autorités togolaises. C’est pourtant au Togo qu’il a beaucoup réalisé. Il a construit un centre d’apprentissage, il a réalisé tant de choses, il a construit tant de paroisses. Et aucun membre du gouvernement n’était présent. C’est désolant. Au moins il a participé à la vie sociale du pays non ! J’ai trouvé ça très bizarre que le gouvernement ne s’est pas fait représenter aux funérailles », a pesté une fidèle.
Et comme le dit le poète africain Birago Diop, « les morts ne sont pas morts », Père César Fernández serait éternellement vivant dans l’esprit des Togolais. On se souviendra de lui lorsqu’on citera les nombreuses réalisations des Salésiens au Togo : le centre professionnel en électricité, bois, menuiserie, soudure et des formations en secrétariat bureautique à Lomé, le noviciat à Gbodjomé où se mènent plein d’activités des jeunes, l’Institut supérieur de philosophie et de sciences humaines qui offre à plusieurs Togolais des formations universitaires de qualité en Licence et Master, le centre Don Bosco de Kara, le Collège, le centre professionnel et des foyers pour les enfants de la rue, à Cinkassé, le centre agricole, le CEG, le foyer et la paroisse porteront à jamais ses marques.
Toutes ces réalisations suffisent à lui valoir une reconnaissance officielle de la part de l’Etat togolais. Ailleurs comme en France, ce Père aurait mérité, pour ses œuvres d’envergure nationale pour le pays, une distinction officielle à titre posthume et bénéficié d’un hommage particulier de la part du chef de l’Etat. En France, le Malien en situation irrégulière, Mamoudou Gassama, qui a sauvé un enfant à Paris, a bénéficié de la reconnaissance de l’Etat français. Mais ici au Togo, c’est le « je m’en fou ».
Cet illustre prêtre qui a passé la grande partie de sa vie au Togo mérite plus de reconnaissance que ces zozos à qui Faure Gnassingbé a distribué comme des biscuite des distinctions honorifiques à l’occasion du 57ème anniversaire de l’indépendance du Togo. On préfère décorer les bourreaux de la République, des détourneurs des deniers publics, les plaisantins de la propagande. Sinon comment comprendre que le Burkina-Faso où il venait de s’installer à peine depuis 2016, pour servir de précurseur à Ouagadougou en vue de préparer l’installation de la communauté, a envoyé une délégation officielle d’Etat conduite par son ministre de la Communication pour assister aux funérailles ?
Mais comme le dit Einstein, « Ce qui est incompréhensible, c’est que le monde soit compréhensible », cette attitude du gouvernement traduit le ressentiment du pouvoir contre l’église catholique. Dans certains milieux, on estime que cette indifférence affichée de nos autorités est révélatrice. Depuis un certain temps, la Communauté catholique est dans le viseur du pouvoir qui n’a pas pardonné les sorties de la Conférence des évêques du Togo, de l’Archevêque émérite de Lomé Mgr Philippe Fanoco Kpodzro et les prises de positions du Père Marie Charnel Affognon, porte-parole du mouvement Forces Vives « Espérance pour le Togo ».
Il vous souvient que dans la crise politique que le Togo a connue depuis 19 août 2017, l’église catholique dans son ensemble, sans langue de bois, a appelé Faure à la raison et exigé les réformes avant toute élection.
source : L’Alternative