L’Afrique, surtout les régions de la Corne et du Sahel, est confrontée au changement climatique tout comme d’autres pays du monde. Ceci se traduit par une succession de pluies diluviennes et de canicules infernales avec des températures extrêmes frôlant les 50°Celsius. Les conséquences sont les inondations et les sécheresses. La crise climatique engendre une crise humanitaire, avec l’insécurité alimentaire et sanitaire touchant plus les femmes et les enfants au niveau du continent africain.
Des chiffres alarmants liés à la recrudescence des maladies hydriques
L’impact de la situation de sécheresse et d’inondation sans précédent ces dernières années sur les populations, surtout la couche plus vulnérable que constituent les enfants dans plusieurs régions africaines, est alarmant. Le rapport de l’Organisation mondiale de la santé de 2024 souligne les effets significatifs du changement climatique sur les maladies hydriques et les enfants en Afrique. En particulier, cent quatre-vingt-dix (190) millions d’enfants africains sont exposés à des risques extrêmes liés à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène, ce qui aggrave les menaces de maladies telles que le choléra, la diarrhée et la dysenterie.

Le manque d’accès à des services adéquats d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène, combiné aux changements climatiques, crée une « triple menace » sur la vie de ces enfants selon l’Organisation des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). Les inondations et les longues périodes de sécheresse contraignent les populations à s’approvisionner en eau n’importe où, y compris dans des zones insalubres. La consommation de ces eaux infectées cause sans doute les maladies hydriques comme les vers, les diarrhées et le choléra, dont les enfants sont les premières victimes. Aggravées par la malnutrition, les complications des maladies hydriques conduisent les enfants à une vulnérabilité exacerbée pouvant leur être mortelle, surtout pour les moins de cinq ans. Les régions éthiopiennes les plus touchées par la sécheresse ont enregistré entre juin 2021 et juin 2022 plus de 1,2 million de cas de diarrhée traités par l’UNICEF et ses partenaires chez les enfants.
La sécheresse, couplée aux conflits et à l’instabilité, est à l’origine de l’insécurité hydrique au Burkina Faso, au Mali, au Niger, au Nigeria et au Tchad, avec quarante (40) millions d’enfants confrontés à des niveaux de vulnérabilité hydrique élevés en raison de l’insalubrité de l’eau et de l’absence d’assainissement. Il est souligné que ces régions du Sahel, en proie aux effets du changement climatique et aux conflits armés, voient des camps d’accueil se transformer rapidement en foyers d’épidémie parce qu’ils n’offrent pas de meilleures conditions d’assainissement, surtout pour les enfants, en témoigne la double tragédie que connaît le Soudan.
Au Kenya, plus de 90 % des sources d’eau libre telles que les étangs et les puits à ciel ouvert dans les zones touchées par la sécheresse sont asséchées, ce qui pose un grave risque d’épidémie.
Le tableau du choléra relatif au rapport de l’Organisation mondiale de la santé sur la situation en janvier 2025 signale dix-neuf mille six cent cinquante-neuf (19 659) cas dans la région africaine, notamment dans 14 pays, soit une augmentation de plus de soixante-sept (67 %) par rapport à novembre 2024. Ainsi, douze mille huit cent quatre-vingt-dix-sept (12 897) cas sont notés au Soudan du Sud, le Ghana présente deux mille soixante et onze (2 071) cas, la République démocratique du Congo mille huit cent quatorze (1 814) cas. Le Burundi, les Comores, l’Éthiopie, le Malawi, le Mozambique, le Niger, le Nigeria, le Togo, la Tanzanie et le Zimbabwe sont aussi concernés, avec une nouvelle flambée du choléra signalée en Zambie depuis le dernier rapport en 2024. C’est la preuve que le continent connaît la pire épidémie de choléra de ces six (6) dernières années face au changement climatique.
Le Togo a atteint le ppic avec 7 601 cas de choléra enregistrés en 2022, avec 2 349 décès selon les chiffres de l’UNICEF. Après la grande saison des pluies qui s’est achevée en août 2024, des cas de choléra ont été également signalés dans la région du Grand Lomé, avec quatre (4) décès, dont deux (2) à domicile.
Le danger des maladies hydriques, auquel sont plus exposés les enfants, est permanent avec les inondations. Une banlieue à la périphérie sud-ouest de la ville de Lomé, zone inondable du quartier Adidogomé-Awatamé, est l’aperçu flagrant du changement climatique. Des maisons jadis épargnées par les eaux sont depuis quelques années submergées, obligeant les familles y résidant à soit abandonner leur domicile pour ceux qui le peuvent, soit rester pour ceux qui n’ont pas d’autres choix, et ce, dans des conditions effroyables.

Pour les enfants d’une famille n’ayant pas d’autres choix que de vivre dans leur habitation presque à la lisière des eaux de l’étang, les parents, sous anonymat, expliquent leur situation :
« Nos quatre (4) enfants tombent souvent malades, ils souffrent plus du paludisme à cause des moustiques et aussi parfois des maladies hydriques, mais nous n’avons pas d’autres choix. »
« Où irons-nous, puisqu’ici nous n’avons plus où aller ? Auparavant, les eaux ne montaient pas jusqu’ici« , se plaignent ces derniers, le regard perdu.
Plusieurs autres quartiers de Lomé comme Adakpamé, Adamavo et Baguida vivent la même situation d’inondation, avec les risques accrus de maladies hydriques. Dans la région des Savanes, les inondations de la rivière Oti sont particulièrement préoccupantes, avec un risque élevé de flambées épidémiques.
Absence de mécanisme de prévention face aux enjeux de santé publique
Les politiques et programmes en faveur de la protection des enfants, du moins sur l’axe sanitaire face aux effets des changements climatiques, sont majoritairement quasi inexistants. La plupart de ces régions africaines, touchées soit par les inondations, soit par la sécheresse, offrent difficilement des conditions adéquates face à ces conséquences sanitaires que vivent les populations vulnérables et particulièrement les enfants. Les difficultés d’accès à l’eau potable, le manque d’infrastructures sanitaires expliquent la fragilité des enfants devant les maladies hydriques et autres affections.

Le Togo sur une bonne voie
La vulnérabilité du Togo, comme celle de tous les autres pays de l’Afrique subsaharienne face aux conséquences des changements climatiques sur les enfants, est une réalité indéniable. Dans ce pays, il est posé les jalons d’une politique de résilience intégrant les enfants. En ce sens, une étude intitulée « Analyse du paysage climatique pour les enfants » a été élaborée. Le document, d’une trentaine de pages, a été soumis à validation à la faveur d’une rencontre de deux jours tenue les 25 et 26 mars 2025 à Lomé avec les acteurs impliqués. Il est articulé autour de trois axes. Le premier porte sur le contexte climatique au Togo, avec un chapitre sur les menaces pesant sur les enfants face aux changements climatiques. Les « Réponses et priorités du gouvernement sur le secteur climat, environnement et énergie », avec une partie consacrée à l’engagement des jeunes dans la gouvernance politique, constituent le second axe du document, qui aborde aussi « l’analyse des défis et lacunes du secteur climat, environnement et énergie ». Le troisième axe met l’accent sur l’intégration des enfants et des jeunes face aux changements climatiques.

L’initiative, portée par le ministère togolais de l’Environnement et des Ressources Forestières avec l’appui de l’UNICEF, se veut, selon les autorités togolaises, une réponse au vide constaté dans les différents instruments de stratégie, de planification et de programmation de lutte contre les changements climatiques en ce qui concerne la prise en compte systématique de la résilience climatique des services sociaux de base clés dont dépendent les enfants pour leur survie et leur développement.
« Il est important pour nous de faire en sorte que les enfants, qui vraiment subissent plus l’impact du changement climatique, soient pris en compte dans des réflexions afin d’améliorer leur résilience, mais aussi celle de leur famille ainsi que des communautés tout entières« , a déclaré lors des travaux de l’atelier de Lomé relatif à la validation du document stratégique la représentante résidente de l’UNICEF au Togo, Dr Adotévi-Dia Erinna.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) met en évidence la vulnérabilité de l’Afrique et souligne que le changement climatique est un facteur majeur d’augmentation des maladies hydriques sur le continent, notamment en raison de la prolifération de vecteurs et d’agents pathogènes dans un environnement climatique modifié. Cette plateforme, créée en 1988 par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et ONU Environnement pour fournir des évaluations détaillées de l’état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques, leurs causes, répercussions potentielles et les stratégies résilientes, recommande alors le renforcement des systèmes de santé, le développement des systèmes d’alerte précoce pour les événements climatiques extrêmes, et la promotion de pratiques de gestion durable de l’eau, par la sensibilisation des populations aux risques de maladies hydriques, ainsi que des actions d’atténuation pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.
René AMEOTO