César Antonio Fernandez faisait partie des quatre premiers missionnaires de la communauté des Salésiens de Don Bosco, arrivés en 1982 au Togo. Les bons souvenirs laissés par le père César Antonio Fernandez dans la communauté où il a été successivement curé et responsable ne manquent pas. Le père Boris Togbé en parle avec émotion. « C’est un choc, dit-il. Il a œuvré très fort au sein de la province. Il vivait dans la pauvreté totale. Il préférait marcher à pied que de prendre la voiture ou la moto. Il était très attentif aux pauvres et aux jeunes », se souvient-il. Pour ce faire, ce prêtre qualifié par ses proches collaborateurs et paroissiens comme un homme « attentif aux pauvres » méritait un hommage.
C’est ainsi que les fidèles catholiques notamment la communauté des Salésiens se sont réunis samedi 23 février dernier pour lui rendre un dernier hommage et le conduire à sa dernière demeure. Et pour cause, celui qui est surnommé « Ayitévi » par ses paroissiens pour sa maîtrise du « Guin », une langue locale a contribué au développement communautaire avec des actions concrètes. En effet, du nord au sud et ce depuis son arrivée au Togo en 1982, le Père César Antonio Fernandes était très présent aux côtés des communautés rurales avec des projets comme la formation et l’emploi des jeunes ruraux. Il leur a également offert des infrastructures sociales dont l’une est le Centre d’apprentissage Maria Auxiliadora (CAMA). Ainsi, ce prélat qui a largement apporté son soutien aux togolais méritait un dernier hommage à la hauteur de son humanité. Pour ce faire, plusieurs personnalités étaient présentes. On peut citer, l’ancien président de la Délégation de l’Union Européenne au Togo, Nicolas Berlanga et des délégations venues des pays de l’Afrique de l’ouest notamment le Burkina Faso. Mais les autorités togolaises ont brillé par leur absence aux cérémonies d’hommage au Père César Antonio Fernandes.
Passe d’armes entre l’Eglise et le pouvoir
Comme nous l’avons fait remarquer dans notre dernière parution, avant l’annonce de la mort du Père César Antonio, vendredi 15 février le Chef de l’Etat, Faure Gnassingbé a posé la première pierre de la construction d’un hôpital dit de référence qui portera le nom de Saint Pérégrin. A cette cérémonie, l’Eglise Catholique n’était pas présente. « Ces derniers mois, les relations entre l’Eglise Catholique et le Pouvoir cinquantenaire de Lomé se sont fortement dégradées. Décidé à ne pas opérer les réforme constitutionnelles, selon l’esprit de la constitution de 1992, comme l’a souligné à plusieurs reprises l’Eglise Catholique notamment par l’intermédiaire de la Conférence des évêques du Togo, Faure Gnassingbé s’est mis à dos une bonne partie de l’Eglise qui l’a pourtant aidé à « légitimer » son pouvoir après l’élection présidentielle controversée de 2005 », avions-nous écrit. Le pouvoir aurait très mal accusé cette absence des représentants de l’église romaine à la cérémonie de lancement de l’ouvrage St Pérégrin.
Et comme une réponse du berger à la bergère, les autorités togolaises ont voulu répliquer au clergé. C’est ainsi qu’elles ont décidé de ni rendre hommage ni participer aux cérémonies funéraires de l’illustre disparu. Ce faisant, elles viennent de confirmer les relations désormais tendues entre l’Eglise et le pouvoir de Faure Gnassingbé. Au-delà de l’Eglise Catholique, ce comportement des autorités togolaises risquent de faire jaser dans les couloirs diplomatiques entre Lomé et Madrid. Et pour cause, à l’annonce de la mort du Père César Antonio, le Premier ministre espagnol en personne n’a pas hésité à lui rendre hommage. « Toute mon affection à la famille et aux collègues du missionnaire Antonio César Fernández et de toutes les victimes de l’attaque terroriste au Burkina Faso. Ma répulsion absolue face à cette attaque et ma reconnaissance aux coopérants et aux volontaires qui risquent leur vie en travaillant dans des zones de conflit », a déclaré le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez. Les œuvres du missionnaire de 72 ans méritaient que l’Etat togolais lui rende au moins un petit hommage. Mais tel n’a pas été le cas. Par conséquent, il ne serait pas étonnant que l’Etat Espagnol dans les prochains mois, déconseille le Togo aux missionnaires citoyens espagnols à cause du manque de considération notoire exprimé par le pouvoir de Lomé à l’égard de feu Père César Antonio.
Tout compte fait, la guerre froide déclenchée entre l’Eglise catholique et le pouvoir de Faure Gnassingbé semble-t-il ne vient que de commencer. La question se pose de savoir, jusqu’où ira qui aura raison de son vis-à-vis au final.
Source : Fraternité No.304 du 27 février 2019