Posséder une moto, de vagues connaissances en pilotage et un casque ne suffisent plus pour être taxi-moto. La profession de Zémidjan est désormais réglementée. Un décret fixe l’organisation et le fonctionnement de ce métier. L’union syndicale des conducteurs de taxi-moto du Togo appelle les conducteurs à se mettre aux normes.
« Avec cette réforme, l’heure du grand ménage a commencé. Le Zémidjan va devenir un métier à part entière », a indiqué il y a une semaine, François Komlanvi Agbo, secrétaire général de de syndicat.
Aucun chiffre officiel n’existe. Toutefois, on estime que 75.000 taxis-motos sont en activité dont de nombreux dans une totale illégalité. La réforme prévoit un recensement en bonne et due forme.
Chaque taxi-moto devra disposer d’un agrément et cocher un certain nombre de cases : avoir son permis de conduire, connaître les règles de conduite, respecter le droit des passagers, passer le contrôle technique chaque année et être propriétaire de son engin …
Vers la formalisation du métier de zémidjan
Il faut rappeler que le ministère de l’inclusion financière et de l’organisation du secteur informel avait démarré officiellement depuis le 24 février 2023 le processus de formalisation et de professionnalisation du métier de conducteur de taxi-moto. La démarche fait suite à l’annonce du gouvernement, relative à la réorganisation du transport public urbain de personnes par taxi, taxi-moto et tricycle, en août 2022.
Le processus a débuté par la formation des conducteurs de taxi à une meilleure conduite. Cette phase regroupe des “zedman” (nom des conducteurs de taxi moto au Togo) de Lomé. Elle devrait être suivie de l’examen de permis de conduire.
Selon le ministère de l’inclusion financière et de l’organisateur du secteur informel, ces conducteurs auront précisément un permis de conduire professionnel, différent de ceux des citoyens ordinaires. Ceci leur permettra de se déclarer et de bénéficier de divers produits de financement à travers le Fonds national de la finance inclusive (FNFI) ainsi que de la protection sociale.
Cette formation, non seulement prépare à l’examen de permis, mais vise également d’après le ministère, à amener le conducteur à maîtriser le code de la route pour éviter des accidents de circulation.
Notons que dans la même dynamique de formalisation et de professionnalisation du métier de taxi-moto, les acteurs du secteur ont mis en place en août 2022, la Centrale des organisations syndicales des taxis motos et de tricycles (COSTT). Une entité qui leur permettra de mieux s’organiser, avaient-ils indiqué.
Bientôt, seuls les titulaires d’un agrément pourront exercer le métier de Zémidjan
La volonté des autorités togolaises à formaliser le domaine des conducteurs de taxi-moto et des tricycles existe depuis un moment. Face à la recrudescence des accidents sur nos routes et surtout au non-respect du code de la route, l’Etat veut organiser le domaine des taxi-motos et tricycles qui est un domaine non-négligeable dans le transport interurbain.
Pour ce faire, l’Etat peut s’appuyer sur le Collectif des Organisations Syndicales des Taxi-motos et tricycles du Togo (COSTT), qui était d’ailleurs en congrès extraordinaire le en Août 2023
À la fin de la rencontre, le Secrétaire Général de l’organisation a tenu à être clair envers ses collègues ; il faudra un récépissé ou une autorisation pour exercer bientôt en tant que Zémidjan.
“Il revient après ce congrès que nous nous formalisions. Que chaque organisation, chaque entité, qu’elle soit Syndicat ou association, que ses entités puissent se formaliser au regard des nouvelles lois qui existent dans le pays. Parce que ces lois vous obligent à respecter une certaine procédure, à avoir par exemple le récépissé avant de pouvoir travailler. Il faut que je vous le dise. Bientôt, avant de faire Taxi-moto ou conducteur de tricycle, il faut avoir une autorisation, un agrément.
Même les compagnies de transport de taxi-motos qui se créent ne doivent recruter que des conducteurs disposant d’une autorisation. Voilà ce qui va se faire désormais. On va particulariser les choses et on arrivera à identifier qui est Taxi-moto et qui ne l’est pas. Cela veut dire que nous arriverons à identifier et à donner un numéro à chaque conducteur. On va mettre en place des applications digitales qui vont nous permettre de savoir même à distance si la personne est conductrice de taxi-moto règlementé. Parce qu’il y a des pays qui en disposent et qui sont venus ici ; nous avons appris d’eux”.
Zoom sur le métier de taxi-moto « zémidjan ».
Apparu dans les années 90 au Bénin, le métier de conducteur de taxi- moto a gagné le Togo entre 1992 et 1993 au moment de la grève générale illimitée. Nommé au Togo « zemidjan » ou « zed », le secteur regorge aujourd’hui des milliers togolais.
Exercé par 215.000 togolais (rapport d’une étude du collectif des organisations syndicales des taxis motos du Togo COSTT), le Zémidjan est une activité très en vogue chez la couche jeune de la société togolaise. Des agents de l’administration et d’autres travailleurs du secteur privé s’y mettent les soirs et les weekends afin de colmater les brèches en attendant le virement des rémunérations mensuelles.
« Je suis un cadre A1 mais ce que je gagne par mois ne suffit pas, en revenant du service, je fais one two, one two pour joindre les deux bouts », a déclaré un agent de l’administration d’État qui a préféré garder l’anonymat.
Les étudiants ne sont pas du reste en ce qui concerne le métier de taxi -moto. Beaucoup sont ceux parmi eux qui l’exercent afin de supporter le coût élevé des études universitaires. « Depuis la première année, j’exerce le Zémidjan afin de subvenir à mes besoins comme les frais de photocopies, de TD », a confié Agossou Serge, étudiant en troisième année à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion (FASEG) à l’Université de Lomé.
Cette activité, malgré qu’elle permette à plusieurs togolais en majorité des jeunes de joindre les deux bouts et de s’occuper de leur famille, comporte des risques comme : les vols de motos, les braquages à mains armées et les accidents de circulation avec beaucoup de pertes en vie humaine. Illustration, selon le rapport du premier semestre de cette année présenté par le ministère de la sécurité et de la protection civile, on enregistre 3.178 accidents occasionnant 4.483 blessés et 354 décès dont 135 provoqués par les motos.
De plus, l’un des problèmes majeurs qu’on retrouve chez ceux qui font cette activité, c’est la non maîtrise du code de la route et la prise de stupéfiant (tramadole, marijuana, …) par bon nombres d’entre eux, particulièrement les jeunes.
Par ailleurs, les conséquences de ces interminables courses à moto ont des répercussions sur la santé des hommes qui la pratiquent et parfois sur leur vie de couple. « Ce métier fatigue beaucoup mon mari, ce qui entraîne des douleurs au niveau de ses muscles et de son rein. Ça fait qu’il n’arrive plus à me satisfaire correctement au lit », a laissé entendre akwavi, dont le mari exerce ce métier depuis plusieurs années.
Le métier nourrit-il son homme ? Les avis sont partagés. Pour Koudjo, c’est un métier qui est rentable à condition de disposer d’un engin en bon état et que les Dieux de la mécanique soient en votre faveur. « Avec 2 litres d’essence, j’arrive à gagner au moins 7 voire 8.000 (f cfa) par jour. Mais cela est possible si la moto est en bon état et si elle ne tombe pas en panne régulièrement », a-t-il déclaré.
De son côté, Komlangan est un peu mitigé dans ses propos. « Ce métier donne mais pas trop, surtout avec l’état de nos routes et le nombre de personnes qui le font, c’est difficile de gagner beaucoup d’argent ».
Le Zémidjan demeure toujours dans le secteur informel malgré les mesures prises par l’État via la Délégation à l’Organisation du Secteur Informel (DOSI), en vue d’accompagner progressivement ce corps de métier vers la formalisation.
Vivement que le processus s’accélère pour faire de cette activité un métier digne qui bénéficierait des accompagnements comme les couvertures sociales (assurance maladie …)
Source : Le Magnan Libéré n°727
Bridger Truong